DAFT PUNK — « LA PERFECTION N’EST PAS UN MOT DE ROBOT, MAIS UNE ILLUSION HUMAINE. »

Ce lundi 22 février, Daft Punk a annoncé la fin de leur existence artistique.

Antoine Boudet
4 min readFeb 24, 2021

Après avoir marqué pendant près de 28 ans la culture populaire mondiale, autant par leur musique, leur philosophie face à l’industrie et leurs productions audiovisuelles, Thomas Bangalter & Guy-Manuel de Homem-Christo se retirent à une époque “plus si drôle” où le besoin de retrouver la générosité émotionnelle de leurs créations redevenait plus que jamais essentiel.

Eux qui ont porté des générations entières aux rythmes de leurs filtres et de leurs fabuleux univers nous laissent avec un sacré héritage culturel, certes, mais un manque malgré tout, que l’on avait pourtant déjà constaté mais que l’on ne peut maintenant plus du tout ignorer.

Depuis ce triste après-midi de fin février 2021, où un Épilogue est venu doucher la ferveur des irréductibles forceurs (dont je fais fièrement partie) qui rêvaient trois semaines auparavant de les apercevoir au Super Bowl, les mots me manquent terriblement.

C’est pourtant maintenant que les robots ne sont plus là qu’il apparait essentiel de porter leur message universel et de se replonger dans leurs œuvres pour mieux comprendre l’infini richesse de celles-ci et la manière dont elles ont touché au plus profond le cœur de beaucoup d’êtres humains sur ces terres désolées.

Image postée sur le compte d’Ed Banger, accompagné d’un texte de Pedro Winter, créateur du label et ancien manager des Daft Punk

Que les personnes qui ont travaillé avec les Daft n’aient pas manqué de saluer le duo parait logique, comme un retour de politesse 24 ans après Teachers, mais qu’une aussi colossale profusion de témoignages et d’hommages provenant de partout dans le monde déferle sur les réseaux sociaux, ça… bah ça parait finalement très logique aussi. En attendant de passer par toutes les étapes du deuil (step one : le déni), la lecture de ces messages est relativement consolante.
On peut y trouver différents petits textes : un plein de respect et d’humilité de la part de David Guetta comme un autre où la nostalgie de Pedro Winter se dévoile malgré le temps passé, mais aussi des courts messages comme ceux de Rim’K ou Kavinsky et, chose plus surprenante, différents artistes d’horizons divers racontant leurs relations à leur musique.

Que ce soit l’influence que peut avoir la musique dès le plus jeune âge comme le raconte Madeon, le rapport parent-enfant symbolisé par la transmission d’un album comme en témoigne HugoDélire, le rapport à la création artistique et au cycle du temps comme Doug Harmoniak le confie avec Emotion, ou la motivation qu’a pu apporter certains albums pour des dessinateurs comme Matías Bergara au début de sa carrière ; nous sommes légion à entretenir une intime relation avec ces deux artistes français, leur corpus et leurs identités mécaniques. Outre les témoignages, ce sont aussi des photos, vidéos et autres vues d’artistes qui, sobrement mais religieusement, ont remercié les Daft :

Le hashtag #ThankYouDaftPunk est rempli de merveilles pour les yeux, les oreilles et l’âme. Un petit détour vers ce scrolle infini est vivement conseillé, tout comme l’intégralité de leurs œuvres.
Et si vous ne savez pas par où commencer, la compilation Musique Vol.1 : 1993–2005 peut-être un début.
En vrai, commencez par Homework, mais si j’évoque ce Musique, c’est pour deux raisons.
La première, c’est que l’existence de cet objet sous entend celle potentielle d’un Vol.2 : 2006–2021. L’espoir fait vivre.
La seconde, c’est parce qu’on y trouve ce texte, qui résume à merveille et avec leurs propres mots toute la démarche artistique et philosophique de Daft Punk.

Il a fallu d’abord faire chanter les machines. Les triturer jusqu’à plus soif. Ne jamais les laisser s’installer dans un ron ron mécanique, mais toujours, comme si on ôtait le capot pour détourner les connectiques, jouer des improbabilités inattendues d’une création mécanique implacable. Ainsi, le jour où les théories robotiques d’Asimov se mettront en branle, les robots n’en seront que trop humain.

Il a fallu oublier les visages pour créer les visuels, effacer l’humain sur le papier glacé, le duo de star supposé, refuser la facilité paparazzi pour façonner 1001 clips tous plus évocateur les uns que les autres. Du quatuor inaugural de jeunes génies talentueux (Michel Gondry, Spike Lee, Seb Janiak, Roman Coppola) au manga inédit d’Interstella 5555 jusqu’aux dernières vidéos, plus sombres, la boule disco plein cadre, sans la pop star en dessous. Comme ça, le fameux jour R d’Asimov venu, on découvrira l’humain derrière le robot sans juger le capot.

Aller à l’essentiel, là où il y a de la vie, et continuer d’agiter, de remuer, de rocker pour en dégager le plus de saveurs.

Sons + Images, c’est ici qu’on fait le point sur Daft Punk en 10 années stellaires. Tous les singles, plus ou moins dans le désordre, un trio de remixes rares, et la même énergie déconcertante avec ses succès et ses expériences. Parce que la perfection n’est pas un mot de robot, mais une illusion humaine.

Revivre ses dix années, et attendre serein, malgré le monde plus si drôle, les Daft à visages humains des dix années à venir. De nouveaux concerts, de l’Europe aux USA en passant par l’Asie pour démarrer l’été 2006, et faire chanter les machines. One more time.

Photo issue d’un shooting réalisé par Portus Imaging / Carolyn Winslow pour Rolling Stones

On écoutera encore très longtemps Daft Punk.
Sur cette planète, comme sur les autres.
Chers lecteurs, soyez en certain, on va très vite reparler de ces deux êtres humains robotiques.

Daft Punk is dead, long live Daft Punk.

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Antoine Boudet

Journaliste indépendant, passionné par les cultures de l’imaginaire